Publié le 20 avril 2025
Écriture Histoire
Lecture 7 min
Quand j’ouvris les yeux, j’ai une désagréable impression de déjà vu, comme si tous les réveils se ressemblaient, et que je recommençais une boucle.
C’est de la même manière que si je mourais pour renaitre à nouveau, mais avec le poids des vies précédentes, tel un éternel purgatoire dont le sens m’échappait.
Beaucoup de choses paraissent me passer sous les doigts, mais une volonté de remettre de l’ordre dans tout ça m’animait.
La lumière m’indique qu’un autre jour s’est levé, j’ai dû rester la nuit sur au sol.
Les courbatures ne contredisaient pas ce ressenti, je me relevais avec difficulté.
Le soleil pénétrait timidement les lieux et me permit de mieux contempler l’endroit.
Je suis dans un salon, avec à gauche un fauteuil et des plantes, la vue donnait sur la rue qui longeait l’entrée du bâtiment.
À droite, j’aperçois une table et un petit coin repas.
Au fond, un meuble fait de cube séparait la pièce en deux, avec une porte après la cuisine.
J’avançai timidement pour découvrir un lit, et un bureau proche du balcon.
Dessus on pouvait trouver des papiers éparpillés et un carnet ouvert en plein milieu.
À côté, je constate un couloir qui donne sur une salle d’eau.
Je n’avais pas encore complètement récupéré de ce réveil difficile et je pris une petite pause en m’asseyant sur la couche pour contempler ce lieu qui semblait important pour moi.
Il dégageait quelque chose de fort, comme si mon empreinte était disséminée sur chaque surface.
Je commençais à me rappeler la courte journée d’hier.
Ma sortie du coma, sans aucun souvenir, d’avoir fui l’hôpital et d’avoir trouvé l’adresse de mon appartement.
Une grosse douleur envahit mon crâne, le souffle coupé, je fermai les yeux avec les deux mains sur mon front, puis quelques secondes plus tard le malaise s’estompa.
Ma respiration revint à la normale et je me levais timidement.
Mon regard se posa sur ce carnet où je pouvais apercevoir d’innombrables formules mathématiques et quelques schémas mécaniques.
Je pris le calepin pour lire en détail ce qui s’y trouvait, mais la blessure se réveilla à nouveau.
Elle me fit lâcher le cahier qui tomba au sol sur le flanc pour s’ouvrir sur une nouvelle page.
Cette fois, c’était une écriture plus brouillonne avec plusieurs ratures dont je n’arrivais pas à interpréter la signification.
Je m’agenouillai difficilement pour récupérer le carnet avec la main gauche qui soutenait ma tête qui me tourmentait.
Je ferme à nouveau les yeux quelques secondes et la douleur s’éclipsa.
Je commençais à reconnaitre certains déclencheurs à ces douleurs, et le moyen de les apaiser.
Je feuilletais le livret et trouvais de nombreuses pages similaires, avec des équations, des croquis de machine, ou alors des formules chimiques avec des descriptions sur leurs propriétés physiques. Puis parfois des tracés qui ressemblent à des plans de lieu sans autres précisions. Je fermai le cahier, et j’abandonnai temporairement la compréhension de mes recherches pour continuer d’explorer l’appartement.
Je sortis de la chambre pour tourner sur la gauche vers la zone qui semblait donner sur une cave ou un garage.
Quand j’ouvris la porte, une forte odeur m’enivra.
La pièce servait sûrement d’atelier.
Je descendis les quelques marches pour apercevoir à gauche une sorte de laboratoire de chimie et un peu plus loin un plan de travail avec du matériel divers.
À droite, on pouvait voir tout un espace de bricolage et d’assemblage avec plusieurs grosses caisses.
Par curiosité, mais aussi une forme de nostalgie, je m’avançai vers les outils et j’attrapai le premier qui se trouvait à portée.
Dès que mes doigts frôlèrent le métal froid de l’appareil, j’eus comme une illumination.
Mes mains étaient tachées de sang.
Je lâchai l’instrument et je reculai de 2 pas.
Les flashs recommençaient, j’étais dans les mêmes lieux, mais tout était en bazar.
De nombreuses pièces de matériaux jonchaient le sol, ainsi que des tuyaux remplis de liquide, qui étaient disposés de toute part.
Les scènes s’alternent avec un rythme saccadé et une fréquence à la fois harmonique et hypnotique.
C’est comme une mélodie, un rêve éveillé ou plutôt ce moment au réveil où les réminiscences s’entremêlent.
Dans cet instant, on essaye avec difficulté de distinguer les souvenirs du songe et ceux de la réalité, lesquels ressemblent à des diapositives dans le désordre.
Ma tête commença à me lancer, mais je tente de résister, je m’appuie sur le bureau pour économiser mes forces.
Je scrute derrière moi et je perçois une forme qui évoque un corps mécanique.
Ma vision est floue, et les images apparaissent comme si je regardais à travers des filtres de différentes couleurs qui alternent sans arrêt.
Je prends une longue respiration en luttant pour garder les yeux ouverts.
Le plancher est poussiéreux, des amas de poudre, mais aussi de nombreuses flaques jonchent le sol, mais l’absence de nuance des teintes m’empêche de distinguer leurs natures.
J’essaye de m’approcher du centre de la pièce, mais pas sans mal, en titubant.
Plus j’avance vers cet artefact, plus la douleur devenait plus importante, tel un poids au fond de mes entrailles qui grossissait, comme si la gravité elle-même tentait de me bloquer la route.
Mais la curiosité, ou plutôt le besoin de compréhension était plus fort.
Je finis par ramper à 4 pattes et j’atteins un des bras mécaniques.
L’assemblage me semblait à la fois dénué de signification et en même temps comme si j’en reconnaissais la signature.
Mais pour autant, je n’arrive pas à saisir l’intérêt de toutes ses gravures.
Elles ressemblent à des circuits électroniques, et divers symboles qui pourraient s’apparenter à des runes.
J’approche mes doigts de ces tracés, comme pour en trouver le sens et au moment du contact, une décharge électrique me traversa l’ensemble du corps.
Je ferme les yeux de douleur, paralysé par une sorte de souffle à la fois froid et brûlant.
Je finis par distinguer une emprise assez forte sur mon bras, mais je suis incapable de bouger.
J’ouvre difficilement les paupières, comme si elles étaient collées, je perçois le plafond gribouillé de nombreux cercles et caractères d’une langue que je ne connais pas.
Je sens mon cœur se mettre à battre violemment, tel un marteau qu’on frapperait brutalement sur une enclume.
Je ressens une terrible colère qui s’empare de moi brusquement, comme un réveil en plein milieu de la nuit par des travaux ou l’explosion d’une bombe.
Cette agressivité se mêle à de la peur, de l’incompréhension et de la surprise.
Je tourne légèrement la tête pour observer mon bras et la source de cette emprise.
Je perçois que le corps s’est déplacé, mais le flou s’est intensifié.
J’essaye de forcer mes yeux pour apercevoir ce qui se passe.
Et c’est avec stupeur que je vois, tel un miroir, mon visage que j’ai à peine eu le temps de redécouvrir hier, qui semblait figé et creux, le regard dans ma direction.
Et puis tout s’éteignit, la pièce fut plongée dans le noir, comme si les plombs avaient sauté.
Je n’éprouve plus rien, est-ce que je suis mort ?
Je n’ai jamais ressenti autant d’apaisement et de légèreté.
Mais ce fut de courte durée malheureusement, quand d’un coup je perçus l’attraction d’une chute dans le vide.
Puis d’un choc si brutal qui me fit sursauter du plancher de quelques centimètres.
Les yeux grand ouverts, mes mains se relâchèrent et je reculai face à l’horreur du souvenir et surtout des sensations qui ne ressemblaient à rien que j’ai pu vivre jusqu’à présent.
J’aperçus à nouveau le sol propre et le centre de la pièce absent de tout corps.
Je me retournai et l’atelier était rangé comme à mon arrivée.
Je me tournai vers le plafond, mais celui-ci était vierge de tout motif.
Je regagnai le plan de travail à la recherche de quoi que ce soit qui pourrait m’aider à comprendre ce qui vient de se produire, jusqu’à trouver une carte de visite.
Ash Grignard, laborantin des secteurs 4-10, 24 rue berthelot